Interview par le journal L’Alsace – Ian Manook
Invité lors de la deuxième édition du Festival Sans Nom en 2014, l’auteur français Ian Manook en est devenu le parrain deux ans plus tard. L’éditeur, publicitaire, scénariste de BD er romancier sera l’un des invité de la dixième édition, les 22 et 23 octobre prochains. Entretien avec un habitué de la manifestation.
Quels sont vos souvenirs du Festival Sans Nom 2014 ?
Le tout premier souvenir qui me revient, c’était que j’étais installé, lors des séances de dédicaces, à côté de Stéphane Bourgoin. C’était l’un de mes premiers salons. Personne ne me connaissait, je ne le connaissais d’ailleurs pas non plus. Lui n’était pas encore là mais il y avait déjà une file de 200 personnes qui l’attendait. Il a fini par arriver et à signer des autographes à tour de bras. Et puis à un moment, il est parti en conférence et la quasi-totalité du public l’a suivi, nous laissant seuls avec nous-mêmes !
Mon deuxième souvenir marquant, ça à été ma rencontre avec Roger Jon Ellory. Nous sommes immédiatement devenus bons amis, ça nous arrive de voyager tout les quatre, avec nos compagnes. Il y avait, pendant le festival, un repas un peu long ou qui avait du mal à s’organiser. On s’est alors éclipsé tout les quatre pour se faire un dîner entre nous. Je me souvient encore d’avoir modifié la somme d’un chèque, remis lors d’un prix, d’une somme de 68€. J’ai ajouté un euros pour que ça soit plus excitant.
Vous étiez revenu en 2016, pour la quatrième édition, cette fois en tant que parrain. Qu’est-ce que ça change ?
Curieusement pas grand-chose et c’est quelque chose que je regrette. Ce n’est pas propre au Festival Sans Nom : quand un salon nous demande d’être parrain, on remet un prix, on dit quelques mots et basta. Quitte à faire d’un auteur un parrain, autant lui demander un discours un peu déconnant sur l’inauguration ou une écriture particulière, réservée au public. Autant qu’on se serve de nous. On a déjà fait partir un peu les choses, avec La Ligue de l’Imaginaire, lors d’une table ronde à Mulhouse. J’avais enregistré le jingle de la SNCF, partenaire du festival. Á chaque fois que quelqu’un posait une question, je lançais le jingle. C’est une connerie mais ça amuse les gens.
En quoi consiste cette Ligue de l’Imaginaire ?
C’est un groupe informel, une bande de copains qui se retrouve, une ou deux fois par an, pour un gueuleton chez Bernard Werber. Et qui décerne chaque année un prix de La Ligue de l’Imaginaire. Elle grandit par cooptation, s’élargit au fur et à mesure à des personnes d’autres domaines littéraires, artistiques. Elle sert à mettre de la bonne humeur dans les salons où l’on se rend. En fonction des membres présents, on propose des débats sortant de ce qui ronronne, en introduisant de l’humour, de la déconnade, en amenant quelque chose en plus.
Vous êtes devenu un habitué du festival. Qu’est-ce qui le distingue selon vous d’autres salons ?
Il a une dimension très humaine, dans sa relation avec les personnes, la façon dont est organisé la soirée inaugurale. C’est sans chichis, sans trop de protocole, avec pas mal d’interventions, de débats, de conférences. C’est un ensemble de petites choses qui font que c’est un bon salon, qu’on s’y sent bien. Ce n’est pas un hasard si je lui suis relativement fidèle et Ellory aussi. Même si c’est devenu un mot presque négatif, il y a de la gentillesse dans ce salon, que ce soit entre les individus, au niveau de l’organisation, de la manière de s’y rendre ensemble en train…
Qu’attendez-vous de cette édition anniversaire ?
Que l’on s’y retrouve joyeusement, avec l’émotion et la déconnade des retrouvailles. Que l’on soit nombreux à mettre l’ambiance, à s’asperger de champagne, à se faire une bataille de gâteaux… Un anniversaire, c’est ça. La rigolade et l’émotion des retrouvailles. J’espère que les organisateurs feront cadeau d’une nouvelle voiture à chaque participant !
Qu’est-ce qui vous pousse encore à écrire, à 72 ans ?
J’a été publié tard, la première fois fin 2013. Je me dis qu’il me reste une dizaine d’années, dans un état de santé potable, pour écrire. Et j’ai beaucoup à écrire. Je ne peux pas passer une journée sans. J’écris sans plan, sans documentation préalable, sans revenir en arrière, toujours trois bouquins en même temps, en passant facilement de l’un à l’autre.
En 2020, j’ai écrit par exemple six romans, dont quatre ont été publiés. J’ai d’ailleurs achevé la touche « E » de mon ordinateur, sans doute la touche la plus utilisée sur un clavier. J’ai fait réparer mon ordinateur il y a quelques jours. C’est là que je me suis rendu compte que n’avais pas fait de sauvegarde du contenu de l’ordinateur depuis… 2016. De temps en temps, je mets tout sur une clé USB mais je les perds. Et puis je retombe dessus trois, quatre ans plus tard, sur des romans commencés que je reprends. J’appelle ça des oublis récupérés.
Hervé Weill nous a glissé un mot à votre attention, « Woodstock », sans doute en rapport avec le festival éponyme…
De quoi me faire passer pour le roi des imbéciles ! J’avais 20 ans en 1969. Je travaillais alors comme plongeur dans un restaurant de nuit, à New York. Un copain me parle d’un festival qui se monte. Vu l’affiche, je me dis que n’est pas possible de ne pas y aller. Je rends mon tablier, je prends mon sac et je me tire.
Pendant trois jours et demi, je fait du stop non-stop. J’arrive à San Francisco, persuadé qu’un festival comme ça ne pouvait se dérouler qu’en Californie. Au dernier chauffeur qui me prend, je demande où se trouve Woodstock. C’est là qu’il me répond que ça se situe à deux heures de route de… New York, dans l’État du même nom. Comme j’étais en Californie, j’en ai profité, j’avais quand même gagné quelque chose. Mais ce genre de connerie, c’est récurrent chez moi.
Propos recueillis par Pierre Gusz
Photo Françoise Manoukian