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Anniversaire – interview des auteurs : Dominique Sylvain

Interview par le journal L’Alsace – Dominique Sylvain

« Ce festival, je savais que j’allais y aller les yeux fermés»

Elle est la seule, avec Roger Jon Ellory, à avoir participé aux quatre premières éditions du Festival sans nom, avant d’y revenir en 2019, puis cette année. Entretien, depuis Saint-Malo, avec Dominique Sylvain, journaliste, communicante puis romancière, qui se voit comme une « récidiviste » du festival.

Quels sont vos souvenirs de la toute première édition, en 2013 ?

J’ai le souvenir d’un Luc Widmaier (patron de la librairie mulhousienne Bisey, NDLR) complètement au taquet, d’un débat croisé avec un autre auteur à la librairie Bisey, qui était rapide mais stimulant. Et puis j’avais trouvé ça marrant de débattre autour des faits divers et de la justice dans un temple protestant [le temple Saint-Étienne]. C’était la première fois que ça m’arrivait.

Vous êtes revenue en 2014, 2015, 2016… Pour quelles raisons ?

Ça fait vraiment « récidiviste » ! J’avais trouvé que nous avions été super bien accueillis, que c’était confortable. On ne nous obligeait pas à dormir chez l’habitant, à aller dans des hôtels plutôt bof, à monter dans un autobus pour tout un périple à travers la ville. Dans les festivals, on parle beaucoup, on échange avec les lecteurs et les autres auteurs, on se couche tard… Avoir des petits moments à soi, se déplacer de l’hôtel jusqu’au lieu du festival à pied, c’est relax. Ce festival, je savais que j’allais y aller les yeux fermés.

Ça faisait « bizarre », du coup, de ne pas vous revoir en 2017…

Je crois bien qu’ils ne m’ont pas invitée cette année-là, en se disant qu’il fallait quand même changer et proposer à d’autres. Ce qui est bien à Mulhouse, c’est ce dosage. C’est ce que j’avais observé en revenant en 2019. On aurait pu penser qu’avec le succès, il y aurait eu un programme avec plus d’auteurs, au risque d’un déséquilibre. Mais ils ont gardé une formule qui a du sens pour le public et qui nous laisse du temps. C’est vraiment ce qui me frappe, j’ai plein de souvenirs de moments où on a pris le temps, que ce soit avec Olivier Truc, Hervé Claude, Theo Hakola, fondateur d’Orchestre rouge, avec lequel on est tombé d’accord sur Lou Reed et Radiohead… Stéphane Bourgoin, lui, avait réussi à me faire croire, pendant quelques secondes, qu’un serial killer nous écoutait dans la salle !

J’ai aussi l’impression que les organisateurs nous ont écoutés, en améliorant les choses. Au moment où le festival se terminait le dimanche, il n’y avait d’abord pas grand monde, un peu comme si le public était flemmard. C’est devenu plus fluide et [le public] a augmenté d’année en année. En termes de programmation, ils s’organisent toujours pour faire venir des fidèles et, pour pimenter les choses, des gens d’horizons différents.

Vous faites partie des invités de la 10e édition, en octobre 2022. Qu’en attendez-vous ?

Je pense que ce sera singulier, que les organisateurs vont marquer le coup et nous surprendre. Pour moi, ce sera un petit événement, étant donné que j’ai très peu pris part à des festivals depuis qu’ils ont repris. J’aime bien prendre les choses comme elles viennent. S’il y a du champagne et un feu d’artifice, c’est bien. S’il n’y en a pas, ce sera très bien aussi.

Et si vous deviez décrire aujourd’hui le festival mulhousien, en quelques mots ?

Je n’ai jamais eu l’impression que c’était la course, les organisateurs nous laissant vivre les choses comme on veut. C’est symbolique de l’ambiance qui y règne, une ambiance décontractée. Nous sommes bien sûr contraints par des horaires mais c’est raisonnable et il y a un vrai sentiment de liberté.

En parlant de liberté, vous n’aimez pas trop les étiquettes et préférez jouer avec des styles différents…

Pour se sentir moins bridé, je privilégie le récit choral, ce qui permet d’avoir différents chapitres confiés à différents personnages. Exemple type avec mon dernier roman, Mousson froide, où figure un chien qui pense. Alors que les lecteurs cherchent à ce qu’on leur parle de leur époque, avec un certain réalisme, j’ai toujours suivi mon instinct. Ce n’était pas toujours l’idée du siècle mais ça a créé une continuité entre mes livres. L’un de mes auteurs fétiches, c’est Elmore Leonard [le romancier américain est décédé à l’âge de 87 ans en 2013, quelques mois après le tout premier Festival sans nom]. Bien qu’il soit plus apprécié des auteurs eux-mêmes que des lecteurs, c’est avec lui que j’ai appris à confier des scènes à des personnages différents. Parce que j’ai du mal à lire des textes où on passe du ressenti de l’un à l’autre sans interruption. En plus, j’admire sa faculté à créer des personnages féminins solides, de pouvoir écrire un roman noir et d’être toujours à la limite de la farce.

C’est quoi votre moteur, pour écrire ?

Je suis capable d’écrire dans un appartement mal rangé, en faisant abstraction, alors que j’aime bien l’ordre. Il faut vraiment que je sois travaillée par un sujet, qui ne me laisse pas tranquille, qui fait que je n’arrive pas à en dormir la nuit, jusqu’à me relever pour noter deux-trois bricoles. Et puis il faut que je sois en forme car le roman, c’est quand même un marathon, il faut tenir la longueur. Pouvoir faire du sport permet d’avoir les neurones bien nettoyés et la résistance physique pour faire le job.

Propos recueillis par Pierre GUSZ
Photo Pascal Helleu

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