Interview par le journal L’Alsace – Olivier Norek
« Pour moi, c’est un salon Rolls-Royce »
Qu’il soit un « parrain familial » ou un « parrain à l’italienne », le policier, romancier et scénariste Olivier Norek a été, avant tout, le parrain du Festival sans nom en 2017. C’était sa première édition et loin d’être la dernière pour l’homme qui était encore à Mulhouse le 20 mai.
Vous étiez à Mulhouse il y a tout juste une semaine, lors d’une soirée organisée par la librairie Bisey…
C’était formidable. J’ai rencontré, l’après-midi, des élèves du lycée Jeanne d’Arc pour parler de mon livre Entre deux mondes (Michel Lafon, 2017), qu’ils étudient dans le cadre de leur baccalauréat. Une grosse fierté pour un gars qui a eu 5/20 au bac de français ! La rencontre du soir, face à près de 90 personnes, a littéralement bien « dérapé ». On a terminé à 21 h 30 au lieu de 20 h, avec des dédicaces et des échanges avec le public qui se sont avérés fabuleux.
Aviez-vous déjà entendu parler du Festival sans nom avant votre première participation, en 2017 ?
Oui, par l’un des fondateurs qui m’a encouragé à venir et j’ai pu voir à quel point ce salon est formidable. J’apprécie d’ailleurs le public du Nord et de l’Est de la France. Il fait preuve de plus d’ouverture, il est plus curieux, plus chaleureux. J’ai souvent droit à cette question de sa part : « Je ne vous connais pas, faites-moi découvrir ce que vous faites ». Alors qu’habituellement, dans les salons, on se tourne vers les locomotives, les grandes stars du polar.
Quels sont vos souvenirs de cette année-là ?
Je me souviens qu’à un moment donné, on nous a permis d’assister au réveil des animaux au Parc zoologique et botanique. Je ne suis pas fan des zoos, mais ça m’a réconcilié avec l’idée que j’en ai. Et puis le public était au rendez-vous, dans des salles bondées, bien grandes, bien aérées, où on était tous là à papoter avec les lecteurs et les lectrices. Pour moi, c’est un salon Rolls-Royce. Le médian entre le petit salon en recherche de son public et où on a le temps de parler, et ces salons comme Brive ou Lyon, où l’on n’a pas vraiment le temps de papoter entre nous.
Endosser le costume de parrain du festival, ça représentait quoi pour vous ?
Mettre en avant le festival, en faire la promotion, raconter ce qu’on va y vivre. Un peu comme un parrain familial. Et si jamais on en entend du mal, on se transforme en parrain à l’italienne et on le défend. Mais là, pas besoin de le défendre. Alors que certains s’arrêtent, se cassent la figure, il fait partie de ces salons qui tiennent par la force de ses bénévoles.
Qu’est-ce qui vous a fait revenir par la suite ?
Une organisation formidable, où on est pris par la main du début à la fin, avec un public au rendez-vous, des activités annexes à côté, un hôtel magnifique…
Vous faites partie des invités de la 10e édition, en octobre. Qu’en attendez-vous ?
J’espère bien que les organisateurs ont prévu une petite fête, un rendez-vous où on se retrouve tous ensemble le samedi soir, où l’on retourne par exemple à l’Auberge du zoo pour manger et boire quelques liqueurs. Alors c’est sûr que le lendemain, on n’est jamais très fin, jamais très intelligent, mais dix ans de travail, ça se fête tous ensemble !
Travaillez-vous toujours à la police judiciaire de Seine- Saint-Denis ?
Je ne serai plus flic à partir de la mi-juin. J’ai été en disponibilité pendant dix ans, j’ai mis ce métier entre parenthèses et on m’a demandé de faire un choix… Près de 90 % de ce que j’écris vient de mon expérience personnelle, mais le contenant de l’expérience se vide et je veux vivre autre chose, voir d’autres personnes. Voilà pourquoi je me rends dans la jungle de Calais, dans des hôpitaux à l’étranger ou que je pars à l’Île Saint-Pierre [ce qui lui a inspiré son dernier roman, Dans les brumes de Capelans, Michel Lafon, 2022]. Et que je vais voyager dans le nord de l’Europe pour mon prochain roman. Je suis passé de flic de terrain à auteur de terrain. Écrire un bouquin me prend un an et demi. Et quand je n’écris pas, je suis scénariste, que ce soit pour la série de France 2 Les Invisibles, la saison six d’Engrenages sur Canal+ ou le drame Tout le monde ment, avec Vincent Elbaz.
Est-ce que vos lecteurs vous font des blagues ou des remarques sur la police ?
C’est plutôt l’inverse. Les gens ne perdent pas de temps avec les remontrances, les choses qui ne vont pas, un peu comme les trains qui arrivent à l’heure. Je me retrouve face à des personnes qui aiment la police, qui voient le boulot qui est fait, qui composent le 17 quand il le faut… C’est un véritable thermomètre de confiance.
Après Mulhouse, cela vous arrive-t-il de repasser par Toulouse, votre ville natale ?
Je dis rarement que je viens de Toulouse, avec une mère directrice d’école et un père énarque, j’ai beaucoup déménagé. L’endroit où je vis, c’est la Seine-Saint-Denis, mais mon endroit de cœur, c’est l’Aveyron. C’est là où ma grand-mère vivait. Mes parents ont récupéré le corps de ferme, qu’ils ont retapé, année après année. Et je continue à l’embellir, pour pouvoir accueillir tous mes amis quand surviendra la fin du monde, d’ici trente ans !
Propos recueillis par Pierre GUSZ
Photo Vincent Voegtlin