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Anniversaire – interview des auteurs : Jérôme Camut et Nathalie Hug

Interview par le journal L’Alsace – Jérôme Camut et Nathalie Hug

« Mulhouse, c’est le petit mont Royal québécois »

Jérôme Camut et Nathalie Hug, surnommés « les Camhug », ont participé au Festival sans nom en 2015 avant d’y revenir en 2019. Entretien à la troisième personne avec le couple de romanciers vivant sur l’île d’Oléron, espérant « retrouver les mêmes sensations » en octobre, pour les dix ans du salon.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire, au milieu des années 2000, à quatre mains ?

Pour comprendre qu’on ne fait qu’une seule et même personne, il faut parler de notre histoire d’amour. En 2004, Nathalie traîne dans une librairie et achète des livres qu’on lui a conseillés. Deux jolies couvertures l’interpellent. Il s’agit des Malhorne, de Jérôme. Le troisième tome n’est pas encore sorti. À la caisse, elle plante ses autres bouquins et se dit qu’il faut quand même qu’elle achète ces deux premiers Malhorne. Un vrai coup de foudre littéraire, des livres qu’elle aurait aimé écrire, si elle avait été auteur. Elle s’aperçoit que l’auteur est né deux ans avant elle (1968) et que ce n’est pas le bouquin d’un type qui a tout lu, tout vu, tout écrit. Pour la première fois de sa vie, elle a envie de féliciter cet auteur. Après deux mois de tergiversations, elle fait donc un mail à l’éditeur. L’auteur lui répond le lendemain, en lui disant « Allez-y, félicitez-moi », et l’histoire commence comme ça.

Il n’y a pas d’esprit de drague. Elle, elle trouve une photo de lui, sur le Net, assez moche. Lui, il ne sait pas s’il s’adresse à un homme, une femme, un collectif. Mais très vite, on se rend compte qu’on a plein de choses en commun et ça devient tendre, amical, comme une rencontre avec une âme sœur. Et puis vient la rencontre physique. Nathalie travaillait dans la vente de matériel de chirurgie cardiaque et cardiovasculaire dans les blocs opératoires. Lors d’un congrès à Paris se tenant dans un grand hôtel, elle lui donne rendez-vous dans le hall. Elle arrive avec un manteau orange et voit, face à elle, un type avec un sac orange, alors qu’on ne s’était pas concertés sur nos tenues. Quatre heures plus tard, on était fous amoureux. Un séisme alors que chacun était déjà en couple et avait un ou plusieurs enfants.
On s’est revu trois fois dans des bars pour y discuter pendant des heures, se dire qu’on s’aimait, sans s’embrasser. Après tout ça, on a réuni nos trois enfants en tout et on leur a dit : « Voilà, on s’aime et c’est pour la vie, pas la peine d’essayer de nous séparer. Soyez heureux et on le sera tous les cinq ».

Comment trouvez-vous votre équilibre, du moins quand vous travaillez ensemble ?

Il n’y a pas d’ego. On fait un plan, on invente des personnages, on découpe des chapitres, on écrit, on se relit et on fait les modifications ensemble, jusqu’à être satisfait du résultat. Nathalie déteste commencer un chapitre alors que Jérôme adore les mises en situation et a horreur des découpages. Comme le yin et le yang, on s’équilibre. Voilà pourquoi on est surnommé « les Camhug ». Il n’y a pas de lassitude. On pourrait presque jouer à Alain Delon : parler du « Camhug » comme une entité, toujours absorbé, toujours ailleurs !

Pour quelles raisons êtes-vous venus au Festival sans nom en 2015 ?

On avait quitté l’Est de la France et Nancy pour Paris et chaque occasion de retourner dans l’Est, on l’a saisie. La famille de Nathalie a habité à Freyming-Merlebach, en Moselle, à la limite de l’Allemagne. Son arrière-grand-père paternel a vécu dans la région de Mulhouse. Et elle, elle s’est même vu offrir un tartare, elle qui adore ça, chez Hug à Mulhouse. En plus, on avait rencontré Hervé (Weill) et Dominique (Meunier, le président du Festival sans nom) au Forum du livre de Saint-Louis, qui nous avaient consacré une chronique très sympathique. On s’est bien entendus et ils nous ont convaincus de venir à Mulhouse.

Vous y êtes revenus en 2019 et avez ainsi observé l’évolution du festival…

Consécration suprême, on avait remporté le grand prix du festival. Les souvenirs sont donc très bons. Parlons en termes de sensations : une grande salle lumineuse et bien aérée (celle de la Société industrielle de Mulhouse), où on ne faisait pas la queue pour les pauses techniques. On avait bien mangé à l’Auberge du zoo, où l’architecture est incroyable. Et puis l’hôtel Mercure à côté de la gare, que Nathalie fréquentait avec les chirurgiens, dans son autre vie. Pour elle, la montée vers l’hôpital Émile-Muller, le quartier du Rebberg, ça lui rappelle le mont Royal, qui domine Montréal. Mulhouse, c’est le petit mont Royal québécois.

Vous devriez y être en octobre, pour les dix ans du festival. Qu’en attendez-vous ?

On espère que ce sera une belle fête, où l’on retrouvera tous ceux qui ont fait ces dix éditions. On va pouvoir retrouver les lecteurs qui nous attendent, les copains du polar et les organisateurs, pour les faire boire jusqu’au bout de la nuit ! Quand on retourne dans un salon, c’est parce qu’on a aimé le rendez-vous. Un peu comme quand on retourne dans un restaurant en voulant la même table, retrouver les mêmes sensations. On aimerait d’ailleurs retrouver ces sensations-là lors des 20 ans du festival. Tant que le monde tournera mal, on aura en tout cas des idées de livres.

Propos recueillis par Pierre GUSZ
Photo DR

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